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Избранные труды - Вадим Вацуро

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On enterre le pauvre Archippe dans ce moment-ci; je l ’ai vu en passant; ce visage pâle, défiguré, et le repos de la mort qui veille au chevet de son cer-cueil. Вечная память, добрый, любезный Архип!

Mr. A. Toumansky m ’envoie dire que mon cher Basile va bientôt revenir de son voyage, qu’il est déjà en route, quelles nouvelles m’apportera-t-il de Paris?

Fleury m ’a dit dernièrement qu’il a aussi reçu une lettre de Mr. Rousseau. Comme j’en ai reçu une de Madame par le jeune Bourgeois, et que ces lettres ne contiennent rien d’intéressant, si ce n’est des nouvelles de famille, je n’ai pas voulu demander à Mr. Fleury la lecture de celle qu’il vient de rece-voir. NB[820].

Il faut aussi passer à la maison de la Princesse Golitzin pour m’informer si l’on a reçu des nouvelles du Prince Alexis, et s’il n’y a point un petit bout de billet pour moi. Je crains beaucoup des suites du duel qu’il projettait avec le comte Meller. Voilà mes connaissances chez la Princesse Pauline dispercés sur la surface du globe! Mar<ieu> est à Langbach, celui-là va se battre, les autres sont allés faire la campagne contre Dieu sait qui!

Ce 1 heure et demi.

J’ai lu ce matin La Gerusalemme di Tasso. Je ne sais trop pourquoi, lorsque je trouve quelque chose d e beau, d’agréable, d’enchanteur, je cherche toujours une comparaison ou une allusion à faire à elle. Toujours elle! Elle ab-sorbe toutes mes idées et cependant je suis résolu de l’oublier ou du moins de ne penser plus à elle. Le portrait d’Armide arrivée au camps de Godefroi, me parut être le sien: j’y cherchai le sourire, le regard de mon enchanteresse; mais voilà surtout un passage qui m’arrêta:

E in tal modo comparte i detti suoi,E il guardo lusinghiero e in dolce riso,Ch ’alcun non è che non invidii altrui,Nè il timor dalla speme è in lor diviso.La folle turba degli amanti, a cuiStimolo è l’arte d’un fallace viso,Senza fren corre, e non li tien vergogna, —etc.

Hier, en revenant de chez Mr. Ostolopoff, j ’ai passé exprès dans la rue de Sellerie pour me donner le plaisir de battre encore de mes pieds le même pavé par lequel j’allais et revenais chez elle. Il me semblait que je venais de sa maison au beau milieu du mois d’avril, lorsque j’ai eu encore la tête remplie des rêves d’un bonheur imaginaire, je ne sais quel contentement se répandit subitement dans mon âme à cette seule idée; mais bientôt je suis descendu des nues et j’ai soupiré en pensant à la triste réalité qui m’est restée en partage.

Ce 3 Juin 1821 à 7 heures du matin.

Hier à 7 heures je suis allé à la séance de la société au Château S. Michel. J’y ai trouvé Gretsch. Nous avons parlé (lui et moi, s’entend) des affaires ac-tuelles de la France et de notre patrie. Il m’a raconté plusieurs faits qui se trouvaient dans les journaux libéraux. Entr’autres le vote d’un ultra pour éle-ver les enfants des Protestants dans la religion Romaine. Ont-ils le sens com-mun, ces gens-là? prennent-ils les français pour des votéistes?

Dans la s éance on a élu Bulgarine que j’ai proposé, à l’unanimité; cela a fourni à Gretsch une observation sur les effets de la civilisation et des lumières du siècle; vu qu’un ennemi littéraire propose son ennemi; que ces mêmes en-nemis se chérissent comme des amis véritables, etc.

Izmailoff m ’a demandé des nouvelles de Mme. Je n’ai pas pu lui répondre ne l’ayant pas vue depuis six jours. Gretsch m’a autorisé d’écrire à Mr. Katschénowsky pour lui annoncer l’article méchant et d’une bassesse extrême que Woïeikoff va lancer contre lui dans le Fils de la Patrie. Gretsch m’a prié même de le lui écrire; il a beaucoup bataillé avec Woïeikoff au sujet de cet article, mais comme il n ’a pas le droit de s’opposer à l’insertion de cet article, il laisse faire son cher camerade jusqu’au 1 Janvier 1822, où ils doivent se dé sunir.

Bulgarine va bient ôt lire une diatribe sanglante contre Woïeikoff sous le titre «Le Cachet de l’abjection» (Печать отвержения).

Nous sommes partis avec Gretsch vers 9 heures pour aller chez Bulgari-ne. Chemin faisant nous avons parl é de Madame. J’ai parlé avec beaucoup de feu de ses grâces, de son esprit et de ses talents. Gretsch m’a dit que c’est bien dommage qu’elle ne l’entende pas.

Nous n ’avons pas trouvé Bulgarine chez lui; j’ai passé ensuite chez Ja-kowleff et chez Baktine, également sans les avoir trouvé l’un et l’autre.

A dix heures et demi je suis rentr é. J’ai voulu me mettre à écrire et voilà qu’on frappe à ma porte. J’ouvre et je vois entrer Yakowleff; je lui demande des nouvelles de Madame, mais il ne l’a pas vue non plus depuis mardi. Nous nous sommes convenus d’y aller demain (c’est à dire aujourd’hui). Voyons ce qu’elle me dira. Je ne sais pas, mais depuis mardi ce n’est plus pour moi un plaisir d’y aller, c’est une peine. Il me semble que j’y porterai une bien triste mine, mais je tâcherai de me contraindre et de paraître gai, indifférent, autant qu’il me sera possible.

On vient me dire que le Prince m ’invite à venir prendre le thé chez lui. Puis cessons notre journal pour le reprendre demain ou ce soir.

Ce 4 Juin 1821 à 7 heures du mat in.

J ’ai été chez elle. J’y ai passé toute la journée d’hier. Yakowleff n’étant point venu, je n’y ai trouvé que Panaïeff et cet éternel Lopês qui est pourtant un très brave garçon: mainte et mainte fois il m’a invité chez lui et comme je veux à présent changer de conduite à l’égard d’elle, je veux bien aller chez lui un dimanche.

Quel salut froid de sa part! Elle avait un peu l ’air fâché en me demandant l’état de ma santé: je lui ai répondu que je me portais parfaitement. Un moment après Lopês prenait congé d’elle, prétextant d’aller à la chasse ou quelque chose de semblable. Elle a couru après lui, comme pour arrêter son chien qui voulait le suivre. J’ai vu ce manège, et je suis resté dans les apparte-ments. Après un quart d’heure je suis sorti pour prendre un peu d’air et je l’ai aperçue au bout de la fabrique à cordages. Comme il était impossible qu’elle ou Lopês ne m’eurent remarqué, je pris le parti de les aller joindre. Il s’est en allé et j’ai reconduit Mme dans les appartements. Voilà un court entretien qui s’engage entre nous deux où elle me fait des reproches de ne l’avoir pas atten-due mardi et d’être parti sans la voir: elle a répété, comme de raison, sa que-relle accoutumée sur les prétentions que j’ai etc. etc. Son époux et Panaïeff vinrent nous joindre et les pourparlers ont cessé. J’ai voulu partir tout de suite niais elle me forçait à rester. La curiosité m’a piqué et j’ai renvoyé mon cocher. Après le déjeuner elle s’est mise à piano, j’ai la priée de chanter Ragazze <нрзб.>, ce qu’elle fait d ’assez bonne grâce. Panaïeff lui a rappelé ma romance «Ты мне пылать» etc: elle l’a chanté de même. Cela m’a déplu et je voud-rais ne l’avoir jamais faite cette maudite romance, car c’est une pierre de touc-he de mes sentiments. Aussi je suis allé vite chercher ma canne et mon cha-peau et je sortis pour aller faire un tour de promenade jusqu’à la campagne de comtesse Besborodko.

En revenant je rencontre M-me avec Pana ïef qui sont aussi sorti pour la promenade. La politesse exigeait que je les suivisse, ce que je n’ai pas manqué de faire. La promenade s’est passé assez gaiement, dans la conversation on en est venu à Mr. Yakowleff: je lui dit qu’elle le maltraitait et c’était lui donner un champs libre pour faire une sortie contre les prétentions etc. etc. Il veut, dit-elle, qu’on s’occupe de lui exclusivement, il croit qu’on le méprise… (NB. Ce n’est pas lui, c’est moi qui l’ai dit dans mes lettres, aussi que j’ai très bien compris à qui cela s’adressait indirectement). En rentrant je l’ai fait beaucoup rire au dîner, de sorte qu’elle a eu une attaque des nerfs par la suite. Qu’il est dommage, qu’un si beau corps soit sujet aux affections vaporeuses! Elle, qui devrait être la santé même, elle qui devrait compter tous les instants de sa vie par autant de jouissances, a les nerfs trops faibles: tous les plaisirs un peu ex-cessifs, toutes les peines un peu sensibles la dérangent et lui coûtent plusieu-res heures de souffrances.

Dans tout le cours de cette visite, cependant, j ’ai remarqué chez elle une tendance de me peiner. Elle riait quelquefois d’un rire offensant, elle faisait ressortir l’esprit de Panaïeff aux dépens du mien, etc. etc. Une fois Pa-naïeff a dit à peu près une bêtise, une inconséquence sur mon compte; et bien involontairement, elle en a rit jusqu’aux pâmoisons. Elle a cru que j’en serais piqué, et elle s’y est trompée: je compris son intention et je ris avec elle. Il faut bien autre chose pour me décontenancer. Elle ne connaît pas mon caractère, elle ne sait pas que je supporte tout de la part d’une femme, surtout d’une fem-me aimable, mais je ne supporte point des propos d’un homme et que je sais parer les paroles en décochant traits pour traits, ainsi comme j’ai su dans plus d’une occasion, montrer de la fermeté et me battre avec des armes bien plus graves.

Je suis parti vers 11 heures et demi et à dire la vérité, pas trop content de ma journée.

Dimanche, ce 5 juin 1821.

La soir ée d’hier que j’ai passé chez Izmaïloff, n’a pas été trop bien remplie, je ne sais trop pourquoi. Il y a eu une quinzaine de personnes pres-que toutes mes connaissances. Madame Izmaïloff a un peu diminué de sa sécheresse et de son ton froid qu’elle affecta depuis quelque temps à mon égard, parce que j’ai fait une fois l’éloge de la charmante Mme P… ff en sa présence. C’était encore dans le commencement de ma connaissance avec cet-te aimable dame. Je ne sais pourquoi Mr. Kniagewitsch l’ainé m’a paru piqué d’une plaisanterie toute innocente. Je n’ai pas voulu l’offenser d’aucune ma-nière. Son frère est revenu de Laybach, il m’a fait le récit de son voyage à Venise. Noroff, Ostolopoff et moi nous avons parl é de la littérature italienne, française, et russe. J’ai promis à Noroff de passer chez lui lundi matin. Je l’aime beaucoup, ce brave militaire; la noble marque de sa valeur, une jambe de bois, est le meilleur certificat pour lui aux yeux de ses concitoyens. Je suis rentré à 11 heures et demi, et j’ai rencontré Jakowleff, tout près de la porte; il était venu me dire le bonsoir. Nous avons parlé une demi-heure; Madame a eu aussi sa part dans notre conversation: nous avons parlé de son amabilité et lui avons désiré un caractère un peu moins changeant, et de ne pas traiter avec rigueur les gens qui lui sont bien sincèrement dévoués.

Lundi, 6 Juin, à 7 heures du matin.

La journ ée d’hier m’a tout à f’ait reconcilié avec elle. Je l’ai cru passer bien autrement, cette journée, et je suis enchanté que le proverbe: Homo pro-ponit, Deus disponit avait servi cette fois à mon avantage. A midi j’allais chez Gretsch à la campagne; je l’ai rencontré au quai de Petersbourg, nous avons causé un peu ensemble et puis nous nous sommes séparés. Comme l’heure du dîner était encore très éloignée et que j’étais déjà dehors, par conséquent ne voulant pas rentrer avant d’avoir faire quelque chose, me voilà qui me décide d’aller voir Mme. Je trottais déjà sur le pont de Wibourg, clopin-clopant com-me je le pouvais à cause des bottes qui me torturaient les pieds, lorsque j’ap-perois Mr. Woïeikoff qui courait en droschki à deux places; je le salue, il s’arrête, m’invite à prendre place dans son droschki, et quoique je serais bien content de m’excuser là-dessus, je n’ai pas voulu faire des grimaces, j’accepte donc son offre obligeant d’aller bonne grâce et nous voilà à converser et sur le mauvais temps, et sur l’intempestibilité du climat de St. Petersbourg, et sur la fumée de Londres, et sur les 93 marches de l’escalier de Gretsch, et sur la ma-ladie de Madame Woïeikoff, et sur les talents et l’amabilité de Mr Noroff. Bref, nous avons fait le caquet bon-bec depuis le pont jusqu’à l’Académie de la medicine et chirurgie. Là je l’ai prié de faire arrêter la voiture, disant que j’avais une visite à faire à l’académie. Nous nous sommés dits force compliments et j’ai été très charmé d’avoir éluder une conversation plus longue.

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