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Том 4. Письма 1820-1849 - Федор Тютчев

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Твердо верю и надеюсь, что и вы будете счастливы. Теперь не мне говорить вам о добрых свойствах жены вашей. Ум и чувствительность, конечно, хороши, но вы, без сомнения, выше всего оценили в ней ее редкое прямодушие — корень всякого добра. С самого детства это свойство составляло главную черту ее характера. При этом свойстве человек не может совершенно предохраниться от некоторых недостатков, слабостей, дурных навыков, но все эти вредные влияния действуют ненадолго. В прямодушии, в природной правдивости характера есть какая-то необыкновенная целительная сила, и тот поистине счастлив, кого природа наделила этим антидотом.[8]

Теперешняя ее жизнь, более деятельная, более самостоятельная, не только послужит к ее счастию, но и к ее нравственному усовершенствованию. Ваша любовь и опыт довершат воспитание ее характера.

Простите. Когда Судьбе и обстоятельствам угодно будет свести нас вместе — не знаю. Но как бы то ни было, мы не позволим Судьбе и обстоятельствам располагать нашими чувствами. Начнем же дружбою, мы кончим после личным знакомством. Покамест толмачом нашим будет Дашинька. Простите. Душевно вам преданный

Ф. Тютчев

Гагарину И. С., 7/19 июля 1836*

30. И. С. ГАГАРИНУ 7/19 июля 1836 г. Мюнхен

Munich. Ce 7/19 juillet 1836

Mon bien cher Gagarine. Vous mériteriez un prix de vertu pour votre indulgente et persévérante amitié à mon égard et pour les témoignages que vous m’en donnez. J’ai reçu de vous, de compte fait, dans les derniers temps deux bonnes et belles lettres qui m’ont fait tout le plaisir que je puis recevoir par l’intermédiaire de l’écriture, et deux livres russes que j’ai parcourus avec tout l’intérêt que je puis prendre encore à de l’imprimé*. Et pour tous ces bienfaits je ne vous ai pas exprimé ma reconnaissance, même par un simple signe de vie. C’est une indignité, j’en conviens. Mais ne vous laissez pas rebuter. Que votre amitié parle plus haut que mon silence, car ce silence, vous le savez bien, est si peu moi que c’est plutôt la négation de moi. Votre dernière lettre m’a fait particulièrement plaisir, non pas un plaisir de vanité ou d’amour-propre (ces jouissances-là ont fait leur temps), mais le plaisir qu’on éprouve à s’assurer de ses idées par l’assentiment du prochain*. A bien prendre les choses, du moment que l’homme sort de la sphère des sens, il n’y a peut-être pas de réalité possible pour lui qu’au prix de cet assentiment-là, de cette sympathie intellectuelle. Là est la racine de toute religion, comme de toute société, comme de toute langue. Et cependant, mon cher ami, je doute fort que les paperasses, que je vous ai envoyées, méritassent les honneurs de l’impression, et surtout d’une impression séparée. Il se publie maintenant en Russie, tous les six mois, des choses qui vaillent infiniment mieux. Dernièrement encore j’ai lu avec une véritable jouissance les 3 nouvelles de Павлов, la dernière surtout*. A part le talent d’artiste, qui est là arrivé à un degré de maturité peu commun, ce qui m’a surtout frappé, c’est la pensée adulte, la puberté de la pensée russe. Aussi s’est-elle de prime abord attaquée aux entrailles mêmes de la société… La pensée libre aux prises avec la fatalité sociale, et cependant l’impartialité de l’art n’en a pas souffert. Le tableau est vrai sans être trivial ou caricature. Le sentiment poétique ne s’est pas laissé entamer par la déclamation… J’aime à faire honneur à la nature même de l’esprit russe de cet éloignement pour la rhétorique, cette peste ou plutôt ce péché originel de l’intelligence française. C’est là ce qui met Пушкин si fort au-dessus de tous les poètes français contemporains…

Mais pour en revenir à mes rimes, puisque c’est votre bien, vous en ferez tel usage qu’il vous plaira, sans exception ou réserve quelconque…* Ce que je vous ai envoyé là n’est qu’une parcelle minime du tas que le temps avait amassé. Mais le sort ou plutôt un je ne sais quoi de providentiel en a fait justice. A mon retour de la Grèce*, m’étant mis entre chien et loup à trier des papiers, j’ai mis au néant la majeure partie de mes élucubrations poétiques, et ce n’est que beaucoup plus tard que je m’en suis aperçu. J’en ai été quelque peu contrarié dans le premier moment, mais je ne tardai pas à m’en consoler, en pensant à l’incendie de la Bibliothèque d’Alexandrie. — Il y avait là entr’autres tout le 1er acte de la seconde partie de Faust, traduit. C’est peut-être ce qu’il y avait de mieux.

Toutefois si vous persistez dans vos idées de publication, adressez-vous à Раич qui est à Moscou, pour qu’il vous communique tout ce que je lui ai envoyé dans le temps, et dont il a inséré une partie dans un journal passablement niais qu’il faisait paraître sous le titre de Бабочка…*

Mais en voilà assez sur ce sujet… Vos détails sur notre belle Esther et son Mardochée m’ont fait grand plaisir…* Lui doit nécessairement faire un effet très comique pour quelqu’un qui, le connaissant comme vous le connaissez, se trouve à même de l’observer dans sa nouvelle position. Que de mal il se donnera en pure perte! Que de choses laborieusement chiffrées, et qu’il pourrait faire insérer impunément dans la Gazette de St-Pétersb<ourg>. Mais j’espère que toute cette dépense de finesse et de circonspection ne réussira pas à le compromettre. Au besoin il a d’ailleurs le naturel, l’adorable naturel de sa femme, pour le protéger contre les effets de sa prudence. Ses amis (s’il en avait) ne pourraient lui adresser assez souvent les mêmes exhortations qu’on vous fait, lorsque vous voyagez dans les montagnes sur ces petits chevaux montagnards qui ont le pied si sûr et si intelligent. Je meurs d’envie de lui écrire, à Mad. Amélie s’entend, mais une bête de raison m’en empêche. Je lui ai demandé un service, et maintenant ma lettre aurait l’air de vouloir le lui rappeler. Ah, quelle misère! Qu’il faut être dans le besoin, pour se gâter ainsi l’amitié. C’est comme si on n’avait d’autre moyen de couvrir sa nudité qu’en se faisant une culotte d’une toile de Raphaël… Et cependant, de tout ce que je connais d’êtres humains au monde, elle est sans contredit la personne dont j’éprouverais le moins de répugnance à me savoir l’obligé…

Votre oncle* est parti il y a une dizaine de jours pour Carlsbad et m’a laissé dans un assez grand embarras… Il a bien voulu à son départ m’accréditer comme ch<argé> d’aff<aires> auprès de Gise*, mais en m’exhortant en même temps de ne pas en faire l’annonce au Ministère à Pétersb<ourg>. C’est comme si on envoyait une lettre à la poste sans mettre l’adresse dessus. Malgré tout mon bon vouloir, il m’a été impossible de déférer à ce désir, car le lendemain même de son départ j’ai reçu des papiers que je ne pouvais me dispenser de transmettre au département. Voilà donc son incognito à Carlsbad sérieusement compromis.

Munich est désert. Le mois dernier je suis allé en courrier à Vienne où j’ai passé une quinzaine de jours. Ma femme n’est pas encore de retour*. Je l’attends dans le courant de cette semaine. A Munich on ne voit que des femmes grosses ou accouchées. Au nombre des premières il y a la belle Mad. Anna*, qui s’est établie dans la maison Maillot au jardin Anglais. C’est à l’heure qu’il est le seul endroit habité de Munich… Et encore va-t-il bientôt devenir inaccessible… Le P<rinc>e Charles s’est déjà mis en oraison*, et Weber a déjà presqu’entièrement achevé la layette… Je ne vous parle pas du mariage de Bourgoing avec Mlle Ida*, pas plus que de l’attentat d’Alibaud*. Ces énormités se savent toujours assez tôt… Presque toutes les têtes du corps diplomatique sont parties, et on ne voit traîner ici que quelques membra disjecta* de l’animal. Ce qui n’empêche pas toutefois qu’il ne fasse le plus beau temps du monde, et cela depuis 2 semaines. Mad. de Cetto est à Egloffsheim en tête-à-tête avec le nonce, tête-à-tête que je n’irai pas assurément troubler. Quant aux… mais c’est assez des noms propres comme cela.

Adieu.

T. Tutchef

Перевод

Мюнхен. 7/19 июля 1836

Любезнейший Гагарин. Вас следовало бы наградить премией добродетели за вашу снисходительную и неизменную дружбу ко мне и за то, как вы ее доказываете. Общим счетом я получил от вас за последнее время два добрых и прекрасных письма, прочитанных мною со всем удовольствием, какое я способен получать от письменного слова, и две русские книги, просмотренные мной со всем интересом, какой я еще способен проявлять к слову печатному*. И я не выразил вам своей признательности за все эти благодеяния, не подал даже ни малейшего признака жизни. Сознаюсь, это низко. Но пусть это вас не расхолаживает. Пусть ваша дружба окажется выше моего молчания, ибо это молчание, как вам хорошо известно, так мало соответствует моему «я», что скорее служит его отрицанием. Ваше последнее письмо доставило мне особую радость, но это не радость удовлетворенного тщеславия или самолюбия (утехи подобного рода отжили для меня свой век), а радость, которую испытываешь, находя подтверждение своим мыслям в одобрении ближнего*. В сущности, как только человек покидает сферу чувств, едва ли не вся ценность существования сосредоточивается для него в таком одобрении, в таком согласии умов. На этом основаны все религии, равно как и все общества, равно как и все языки. И тем не менее, любезный друг, я сильно сомневаюсь, чтобы бумагомаранье, которое я вам послал, заслуживало чести быть напечатанным, в особенности отдельной книжкой. Теперь в России каждые полгода выходят в свет бесконечно лучшие произведения. Еще недавно я с истинным наслаждением прочитал 3 повести Павлова, главным образом последнюю*. Помимо художественного таланта, достигающего тут редкой зрелости, особенно поразила меня развитость, возмужалость русской мысли. А также то, что она сразу зацепила самое нутро общества… Свободная мысль вступила в схватку с социальной предопределенностью, однако беспристрастность искусства при этом не пострадала. Картина верна, и в ней нет ни пошлости, ни карикатуры. Поэтическое чувство не растворилось в пафосе… Мне приятно воздать честь русскому уму, по самой сущности своей чуждающемуся риторики, этой язвы или, вернее, этого врожденного изъяна французского ума. Вот отчего Пушкин так высоко стоит над всеми современными французскими поэтами…

Но возвращаюсь к моим виршам: делайте с ними что хотите, без всякого ограничения или оговорок, ибо они ваша собственность…* То, что я вам послал, составляет лишь крошечную частицу накопившегося за годы вороха. Но рок или скорее некий небесный промысел распорядился им по справедливости. По моем возвращении из Греции*, принявшись как-то в сумерки разбирать свои бумаги, я уничтожил большую часть моих поэтических упражнений и заметил это лишь много времени спустя. В первую минуту я был несколько раздосадован этим, но скоро утешил себя мыслью о пожаре Александрийской библиотеки. — Тут был, между прочим, перевод всего 1-го действия второй части «Фауста». Может статься, это было лучшее из всего.

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