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Том 6. Проза, письма - Михаил Лермонтов

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Mademoiselle Annette* m'a dit qu'on n'avait pas effacé la célèbre tête sur la muraille*! — pauvre ambition! — cela m'a réjoui… et encore comment! — cette drôle passion de laisser partout des traces de son passage! — une idée d'homme, quelque grande qu'elle soit vaut-elle la peine d'être répétée dans un objet matériel, avec le seul mérite de se faire comprendre à l'âme de quelques'uns; — il faut que les hommes ne soient pas nés pour penser, puis qu'une idée forte et libre est pour eux chose si rare! —

Je me suis proposé pour but de vous enterrer sous mes lettres et mes vers; cela n'est pas bien amical ni même philantropique, mais chacun doit suivre sa destination.

Voici encore des vers, que j'ai faits au bord de la mer:

Белеет парус одинокойВ тумане моря голубом; —Что ищет он в стране далекой?Что кинул он в краю родном?

Играют волны, ветер свищет,И мачта гнется и скрыпит;Увы! — он счастия не ищет,И не от счастия бежит! —

Струя под ним светлей лазури,Над ним луч солнца золотой: —А он, мятежный, просит бури,Как будто в бурях есть покой!

— Adieu donc, adieu — je ne me porte pas bien: un songe heureux, un songe divin m'a gâté la journée… je ne puis ni parler, ni lire, ni écrire — chose étrange que les songes! une doublure de la vie, qui souvent est plus agréable que la réalité… car je ne partage pas du tout l'avis de ceux qui disent que la vie n'est qu'un songe; je sens bien fortement sa réalité, son vide engageant! — je ne pourrai jamais m'en détacher assez pour la mépriser de bon cœur; car ma vie — c'est moi, moi, qui vous parle, — et qui dans un moment peut devenir rien, un nom, c'est à dire encore rien. — Dieu sait, si après la vie, le moi existera! C'est terrible, quand on pense qu'il peut arriver un jour, où je ne pourrai pas dire: moi! — à cette idée l'univers n'est qu'un morceau de boue. —

Adieu; n'oubliez pas de me rappeler au souvenir de votre frère et de vos sœurs — car je ne suppose pas ma cousine* de retour. —

— Dites moi, chère miss Mary, si monsieur mon cousin Evreïnoff* vous a rendu mes lettres; et comment vous le trouvez, car dans ce cas je vous choisis pour mon thermomètre.

— Adieu —

Votre dévoué Lerma.

P. S. J'aurais bien voulu vous faire une petite question* — mais elle se refuse de sortir de ma plume. — Si vous me dévinez — bien, je serai content; — si non — alors, cela veut dire que si même je vous avais dit la question, vous n'y auriez pas su répondre.

C'est le genre de question dont peut-être vous ne vous doutez pas! —

<См. перевод в примечаниях*>

Лопухиной М. А., около 15 октября 1832*

11. М. А. Лопухиной

<Петербург, около 15 октября 1832 г.>

Je suis extrêmement fâché que ma lettre pour ma cousine soit perdue ainsi que la vôtre pour grand'maman; — ma cousine pense peut-être que j'ai fait le paresseux, ou que je mens en disant que j'ai écrit; mais ni l'un ni l'autre ne serait juste de sa part; puisque je l'aime beaucoup, trop pour m'esquiver par un mensonge, et que, à ce que vous pouvez lui attester, je ne suis pas paresseux à écrire; je me justifierai peut-être avec ce même courrier, et si non, je vous prie de le faire pour moi; après-demain je tiens examen, et suis enterré dans les mathématiques. — Dites lui de m'écrire quelquefois; ses lettres sont si aimables.

Je ne puis pas m'imaginer encore, quel effet produira sur vous ma grande nouvelle; moi, qui jusqu'à présent avais vécu pour la carrière littéraire, après avoir tant sacrifié pour mon ingrat idole, voilà que je me fais guerrier; — peut-être est-ce le vouloir particulier de la providence! — peut-être ce chemin est-il le plus court; et s'il ne me mène pas à mon premier but, peut-être me ménerat-il au dernier de tout le monde. Mourir une balle de plomb dans le cœur, vaut bien une lente agonie de vieillard; — aussi, s'il y a la guerre, je vous jure par dieu d'être le premier partout. — Dites je vous en prie, à Alexis* que je lui enverrai un cadeau dont il ne se doute pas; il avait il y a longtemps désiré quelque chose de semblable; et je lui envoie la même chose, seulement dix fois mieux; — maintenant je ne lui écris pas, car je n'ai pas le temps; dans quelques jours l'examen; une fois entré je vous assomme de lettres, et je vous conjure tous, et toutes, de me riposter; — mademoiselle Sophie* m'a promis de m'écrire aussitôt après son arrivée; le saint du Voronège lui aurait-il conseillé de m'oublier?* — dites lui que je voudrais savoir de ses nouvelles, — Que coûte une lettre? — une demi-heure! et elle n'entre pas à l'école des guardes; — vraiment je n'ai que la nuit; — vous, c'est autre chose; il me parait que, si je ne vous communique pas quelque chose d'important, arrivé à ma personne, je suis privé de la moitié de ma résolution. — Croyez ou non, mais cela est tout-à-fait vrai; je ne sais pourquoi, mais lorsque je reçois une lettre de vous, je ne puis m'empêcher de répondre tout de suite, comme si je vous parlais.

Adieu donc, chère amie; je ne dis pas au revoir, puisque je ne puis espérer de vous voir ici, et entre moi et la chère Moscou il y a des barrières insurmontables, que le sort semble vouloir augmenter de jour en jour. — Adieu, ne soyez pas plus paresseuse que vous n'avez été jusqu'ici, et je serai content de vous; maintenant j'aurai besoin de vos lettres plus que jamais: enfermé comme <je> serai, cela sera ma plus grande jouissance; cela seul pourra relier mon passé avec mon avenir, qui déjà s'en vont chacun de son côté, en laissant entre eux une barrière de 2 tristes, pénibles années*; prenez sur vous cette tâche ennuyeuse, mais charitable, et vous empècherez une vie de se démolir; — à vous seule je puis dire tout ce que je pense, bien ou mal, ce que j'ai déjà prouvé par ma confession; et vous ne devez pas rester en arrière; vous ne devez pas — car ce n'est pas une complaisance que je vous demande, mais un bienfait. — J'ai été inquiet il y a quelques jours, maintenant je ne le suis plus: tout est fini; j'ai vécu, j'ai mûri trop tôt; et les jours que vont suivre seront vides de sensations…

Он был рожден для счастья, для надежд*И вдохновений мирных! — но безумныйИз детских рано вырвался одеждИ сердце бросил в море жизни шумной;И мир не пощадил — и бог не спас! —Так сочный плод до времени созрелыйМежду цветов висит осиротелый;Ни вкуса он не радует, ни глаз;И час их красоты — его паденья час! —И жадный червь его грызет, грызет,И между тем как нежные подругиКолеблются на ветках — ранний плодЛишь тяготит свою… до первой вьюги!— Ужасно стариком быть без седин; —Он равных не находит; за толпоюИдет, хоть с ней не делится душою; —Он меж людьми ни раб, ни властелин,И всё, что чувствует, он чувствует один!

Adieu — mes poclony* à tous — adieu, ne m'oubliez pas.

M. Lermantoff.

P. S. Je n'ai jamais rien écrit par rapport à vous à Evreïnoff*; et vous voyez que tout ce que j'ai dit de son caractère, est vrai; seulement j'ai eu tort en disant qu'il était hypocrite[81] — il n'a pas assez de moyens pour cela; il n'est que menteur.

<См. перевод в примечаниях*>

Верещагиной А. М., октябрь — ноябрь 1832*

<Петербург, конец октября, начало ноября 1832 г.>

Femme injuste et crédule! (et remarquez que j'ai le plein droit de vous nommer ainsi, chère cousine). Vous avez crû aux paroles et à la lettre d'une jeune fille sans les analyser; Annette* dit qu'elle n'a jamais écrit que j'avais une histoire*, mais qu'on ne m'a pas compté les années que j'ai passées à Moscou, comme à tant d'autres; car il y a une réforme dans toutes les universités*, et je crains qu'Alexis* n'en souffre aussi, puisqu'on ajoute une année aux trois insupportables.

— Vous devez déjà savoir, notre dame, que j'entre à l'école des guardes; ce qui me privera malheureusement du plaisir de vous voir bientôt. — Si vous pouviez déviner tout le chagrin que cela me fait, vous m'auriez plaint; — ne grondez donc plus, et consolez moi, si vous avez un cœur. —

Je ne puis concevoir ce que vous voulez dire par peser les paroles, je ne me rappelle pas vous avoir écrit quelque chose de semblable. Au surplus je vous remercie de m'avoir grondé, cela me servira pour l'avenir; et si vous venez à Pétersbourg j'espère me venger entièrement, — et par-dessus le marché — à coups de sabre — et point de quartier, entendez vous! — mais que cela ne vous effraye pas; venez toujours, et amenez avec vous une suite nombreuse; et mademoiselle Sophie*, à laquelle je n'écris pas, parce que je boude contre elle; elle m'a promis de m'écrire en arrivant de Voronège — une longue lettre, et je ne m'aperçois que de la longueur du temps — qui remplace la lettre.

— Et vous, chère cousine, vous m'accusez de la même chose! — et pourtant je vous ai écrit deux lettres après monsieur Paul Evreïnoff*. Mais comme elles étaient adressées dans la maison Stolypine à Moscou*, je suis sûr que le Léthé les a englouties, ou que la femme d'un domestique entortilla des chandelles avec mes tendres épîtres.

— Donc, je vous attends cet hiver; point de réponses évasives; vous devez venir; un beau projet ne doit pas être ainsi abandonné, la fleur ne doit pas se faner sur sa tige, et cetera.

En attendant je vous dis adieu, car je n'ai plus rien à vous communiquer d'intéressant; je me prépare pour l'examen, et dans une semaine, avec l'aide de dieu, je serai militaire; encore: vous attribuez trop à l'eau de la Néva; elle est un très bon purgatif, mais je ne lui connais point d'autre qualité; apparemment que vous avez oublié mes galanteries passées, et que vous n'êtes que pour le présent et le futur,* qui ne manquera pas de se présenter à vous par la première occasion; adieu donc, chère amie, et mettez tous vos soins à me trouver une future; il faut qu'elle ressemble à Dachinka*, mais qu'elle n'aie pas comme elle un gros ventre, car il n'y aurait plus de symétrie avec moi, comme vous savez; ou comme vous ne savez pas, car je suis devenu fin comme une allumette.

Je baise vos mains

M. Lerma.

P. S. Mes compliments aux tantes. —

<См. перевод в примечаниях*>

Лопухиной М. А., 19 июня 1833*

19 Juin, Pétersbourg <1833 г.>

J'ai reçu vos deux lettres hier, chère amie, et je les ai — dévorées; il y a si longtemps que je n'ai eu de vos nouvelles; hier c'est le dernier dimanche que j'ai passé en ville, car demain (mardi) nous allons au camp pour deux mois; — je vous écris assis sur un banc de l'école au milieu du bruit des préparatifs, etc… — Vous serez, à ce que je crois, contente d'apprendre, que, n'ayant passé à l'école que deux mois, j'ai subi mon examen, pour la I-re classe, et suis, un des premiers… cela nourrit toujours l'espérance d'une prochaine liberté! —

Il faut pourtant absolument que je vous raconte une chose assez étrange; samedi avant de me réveiller je vois en songe, que je suis dans votre maison; vous êtes assise sur le grand canapé du salon; je m'approche de vous pour vous demander, si vous voulez définitivement que je me brouille avec vous — mais vous sans répondre m'avez tendu la main; le soir on nous laisse partir; j'arrive chez nous — et je trouve vos lettres. Cela me frappe! — je voudrais savoir: que faisiez vous ce jour-là? —

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