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Том 6. Проза, письма - Михаил Лермонтов

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Je me suis décidé de vous payer une dette que vous n'avez pas eu la bonté de réclamer, et j'espère que cette générosité de ma part touchera votre cœur devenu si dur pour moi depuis quelque temps; je ne demande en récompense que quelques gouttes d'encre et deux ou trois traits de plume pour m'annoncer que je ne suis pas encore tout à fait banni de votre souvenir; — autrement je serai forcé de chercher des consolations ailleurs (car ici aussi j'ai des cousines) — et la femme la moins aimante (c'est connu) n'aime pas beaucoup qu'on cherche des consolations loin d'elle. — Et puis si vous perséverez encore dans votre silence, je puis bientôt arriver à Moscou — et alors ma vengeance n'aura plus de bornes; en fait de guerre (vous savez) on ménage la garnison qui a capitulé, mais la ville prise d'assaut est sans pitié abandonnée à la fureur des vainqueurs.

Après cette bravade à la hussard, je me jette à vos pieds pour implorer ma grâce en attendant que vous le fassiez à mon égard.

Les préliminaires finis, je commence à vous raconter ce qui m'est arrivé pendant ce temps, comme on fait en se revoyant après une longue séparation.

Alexis* a pu vous dire quelque chose sur ma manière de vivre, mais rien d'intéressant si ce n'est le commencement de mes amourettes avec M-lle Souchkoff, dont la fin est bien plus intéressante et plus drôle. Si j'ai commencé par lui faire la cour, ce n'était pas un reflet du passé — avant c'était une occasion de m'occuper, et puis lorsque nous fûmes de bonne intelligence, ça devint un calcul: — voilà comment. — J'ai vu en entrant dans le monde que chacun avait son piédestal: une fortune, un nom, un titre, une faveur*…j'ai vu que si j'arrivais à occuper de moi une personne, les autres s'occuperont de moi insensiblement, par curiosité avant, par rivalité après.

— La demoiselle S. — voulant m'attraper (mot technique), j'ai compris qu'elle se comprometterait pour moi facilement; — aussi je l'ai compromise autant qu'il était possible, sans me compromettre avec, la traitant publiquement comme à moi, lui faisant sentir qu'il n'y a que ce moyen pour me soumettre… Lorsque j'ai vu que ça m'a réussi, mais qu'un pas de plus me perdait, je tente un coup de main. Avant je devins plus froid aux yeux du monde, et plus tendre avec elle pour faire voir que je ne l'aimais plus, et qu'elle m'adore (ce qui est faux au fond); et lorsqu'elle commença à s'en apercevoir et voulut secouer le joug, je l'abandonnai le premier publiquement, je devins dur et impertinent, moqueur et froid avec elle devant le monde, je fis la cour à d'autres et leur racontais (en secret) la partie, favorable à moi, de cette histoire. — Elle fut si confondue de cette conduite inattendue — que d'abord elle ne sut que faire et se résigna — ce qui fit parler et me donna l'air d'avoir fait une conquête entière; puis elle se réveilla — et commença à me gronder partout — mais je l'avais prévenue — et sa haine parut à ses amies (ou ennemies) de l'amour piqué. — Puis elle tenta de me ramener par une feinte tristesse et en disant à toutes mes connaissances intimes qu'elle m'aimait — je ne revins pas — et profitai de tout habilement. Je ne puis vous dire combien tout ça m'a servi — ça serait trop long, et ça regarde des personnes que vous ne connaissez pas. Mais voici la partie plaisante de l'histoire: quand je vis qu'il fallait rompre avec elle aux yeux du monde et pourtant lui paraître fidèle en tête-à-tête, je trouvai vite un moyen charmant; — j'écrivis une lettre anonyme; „M-lle: je suis un homme que vous connait et que vous ne connaissez pas, etc… je vous avertis de prendre garde à ce jeune homme: M. L. — il vous séduira — etc… voilà les preuves (des bêtises) etc…." une lettre sur 4 pages!.. Je fis tomber adroitement la lettre dans les mains de la tante; orage et tonnerre dans la maison. — Le lendemain j'y vais de grand matin pour que en tout cas je ne sois pas reçu. — Le soir à un bal, je m'en étonne en le racontant à mademoiselle; mad<emoiselle> me dit la nouvelle terrible et incompréhensible; et nous faisons des conjectures — je mets tout sur le compte d'ennemis secrets — qui n'existent pas; enfin elle me dit que ses parents lui défendent de parler et danser avec moi, — j'en suis au désespoir, mais je me garde bien, d'enfreindre la défense de la tante et des oncles; — ainsi fut menée cette aventure touchante qui certes va vous donner une fort bonne opinion de moi. Au surplus les femmes pardonnent toujours le mal qu'on fait à une femme (maximes de La Rochefoucauld*). Maintenant je n'écris pas de romans — j'en fais.

Enfin vous voyez que je me suis bien vengé des larmes que les coquetteries de m-lle S. m'ont fait verser il y a 5 ans; oh! mais c'est que nos comptes ne sont pas encore réglés: elle a fait souffrir le cœur d'un enfant, et moi je n'ai fait que torturer l'amour propre d'une vieille coquette, qui peut-être est encore plus… mais néanmoins, ce que je gagne c'est qu'elle m'a servi à quelque chose! — oh c'est que je suis bien changé; c'est que, je ne sais pas comment ça se fait, mais chaque jour donne une nouvelle teinte à mon caractère et à ma manière de voir! — ça devait arriver, je le savais toujours… mais je ne croyais pas que cela arrivât si vite. Oh, chère cousine, il faut vous l'avouer, la cause de ce que je ne vous écrivais plus, à vous et à M-lle Marie*, c'est la crainte que vous ne remarquiez par mes lettres que je ne suis presque plus digne de votre amitié… car à vous deux je ne puis pas cacher la vérité, à vous qui avez été les confidentes de mes rêves de jeunesse, si beaux — surtout dans le souvenir.

Et pourtant à me voir maintenant on dirait que je suis rajeuni de 3 ans, tellement j'ai l'air heureux et insouciant, content[85] de moi-même et de l'univers entier; ce contraste entre l'âme et l'extérieur ne vous paraît-il pas étrange? —

Je ne saurais vous dire combien le départ de grand'maman m'afflige, — la perspective de me voir tout-à-fait seul la première fois de ma vie m'effraye; dans toute cette grande ville il ne restera pas un être qui s'interesse véritablement à moi…

Mais assez parler de ma triste personne — causons de vous et de Moscou. On m'a dit que vous avez beaucoup embelli, et c'est M-me Ouglitzki* qui l'a dit; en ce cas seulement je suis sûr qu'elle n'a pas menti, car elle est trop femme pour cela: elle dit encore que la femme de son frère est charmante*…en ceci je ne la crois pas tout-à-fait, car elle a intérêt de mentir… ce qui est drôle c'est qu'elle veut se faire malheureuse à tout prix, pour attirer les condoléances de tout le monde, — tandis que je suis sûr qu'il n'y a pas au monde une femme qui soit moins à plaindre… à 32 ans avoir ce caractère d'enfant, et s'imaginer encore faire des passions!.. — et après cela se plaindre? — Elle m'a annoncé encore que mademoiselle Barbe allait se marier avec M. Bachmétieff*; je ne sais pas si je dois trop lui croire — mais en tout cas je souhaite à M-lle Barbe de vivre en paix conjugale jusqu'au célébrement de sa noce d'argent, — et même plus, si jusque-là elle n'en est pas encore dégoûtée!..

Maintenant voici mes nouvelles, Наталья Алексеевна* с чады и домочадцы s'en va aux pays étrangers!!! pouah!.. elle va donner là bas une fameuse idée de nos dames russes!

Dites à Alexis que sa passion M-lle Ladigenski* devient de jour en jour plus formidable !.. je lui conseille aussi d'engraisser encore pour que le contraste ne soit si frappant. Je ne sais pas si la manière de vous ennuyer est la meilleure pour obtenir ma grâce; ma huitième page va finir et je craindrais d'en commencer une dixième… ainsi donc, chère et cruelle cousine, adieu, et si vraiment vous m'avez remis dans votre faveur, faites le moi savoir, par une lettre de votre domestique, — car je n'ose pas compter sur un billet de votre main.

Adieu donc, j'ai l'honneur d'être ce qu'on met au bas d'une lettre…

votre très humble M. Lermantoff.

P. S. Mes respects je vous pris à mes tantes, cousines, et cousins, et connaissances…

<См. перевод в примечаниях*>

Гедеонову А. М., около 20 декабря 1835*

<Петербург, около 20 декабря 1835 г.>

Милостивый Государь, Александр Михайлович*,

Возвращенную цензурою мою пьесу «Маскерад» я пополнил четвертым актом, с которым, надеюсь, будет одобрена цензором; а как она еще прежде представления Вам подарена мною г-ну Раевскому, то и новый акт передан ему же для представления цензуре.

Отъезжая на несколько времени из Петербурга, я вновь покорнейше прошу Ваше Превосходительство оказать моему труду высокое внимание Ваше.

С отличным почтением и преданностью честь имею быть Вашего Превосходительства

покорнейший слуга

М. Лермантов.

Раевскому С. А., 16 января 1836*

Тарханы, 16-го января <1836 г.>

Любезный Святослав*!

Мне очень жаль, что ты до сих пор ленишься меня уведомить о том, что ты делаешь, и что делается в Петербурге. Я теперь живу в Тарханах, в Чембарском уезде (вот тебе адрес на случай, что ты его не знаешь), у бабушки, слушаю, как под окном воет мятель (здесь всё время ужасные, снег в сажень глубины, лошади вязнут и <…> и соседи оставляют друг друга в покое, что, в скобках, весьма приятно), ем за десятерых, <…> не могу, потому что девки воняют, пишу четвертый акт новой драмы*, взятой из происшествия, случившегося со мною в Москве*. — О Москва, Москва, столица наших предков, златоглавая царица России великой, малой, белой, черной, красной, всех цветов, Москва, <…> преподло со мною поступила. Надо тебе объяснить сначала, что я влюблен. И что же я этим выиграл? — Одни <…>. Правда, сердце мое осталось покорно рассудку, но в другом не менее важном члене тела происходит гибельное восстание. Теперь ты ясно видишь мое несчастное положение и, как друг, верно, пожалеешь, а может быть, и позавидуешь, ибо всё то хорошо, чего у нас нет, от этого, верно, и <…> нам нравится. Вот самая деревенская филозофия!

Я опасаюсь, что моего «Арбенина» снова не пропустили, и этой мысли подало повод твое молчание. Но об этом будет!

Также я боюсь, что лошадей моих не продали и что они тебя затрудняют. Если бы ты об этом раньше написал, то я бы прислал денег для прокормления их и людей, и потом если они не продадутся, то я отсюда не возьму столько лошадей, сколько намереваюсь. Пожалуста, отвечай, как получишь.

Объявляю тебе еще новость: летом бабушка переезжает жить в Петербург*, т. е. в июне месяце. Я ее уговорил потому, что она совсем истерзалась, а денег же теперь много*, но я тебе объявляю, что мы всё-таки не расстанемся.

Я тебе не описываю своего похождения в Москве в наказание за твою излишнюю скромность, — и хорошо, что вспомнил об наказании — сейчас кончу письмо (ты видишь из этого, как я еще добр и великодушен).

М. Лермонтов.

Арсеньевой Е. А., март-апрель 1836*

<Царское Село, конец марта-первая половина

апреля 1836 г.>

Милая бабушка.

Так как время вашего приезда подходит, то я уже ищу квартиру, и карету видел да высока; Прасковья Николавна Ахвердова* в маие сдает свой дом*, кажется, что будет для нас годиться, только всё далеко. — Лошади мои вышли, башкирки*, так сносны, что чуда, до Петербурга скачу — а приеду, они и не вспотели; а большими парой, особенно одной все любуются, — они так выправились, что ожидать нельзя было. — Лошадь у генерала я еще не купил, а уже говорил ему об этом, и он согласен. Посылаю вам в оригинале письмо Григорья Васильевича*, и я буду дожидаться вашего письма, что ему отвечать; признаюсь вам я без этого не знал бы, что и писать ему, — как вы рассудите: я боюсь наделать глупостей. — Скоро государь, говорят, переезжает в Царское Село — и нам начнется большая служба, и теперь я больше живу в Царском, в Петербурге нечего делать, — я там уж полторы недели не был; всё по службе идет хорошо — и я начинаю приучаться к царскосельской жизни.

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